Lu ailleurs / Budapest sommé de choisir ses partenaires commerciaux à l’Ouest
Depuis le début de la guerre, la Hongrie renâcle à adhérer aux trains de sanctions et aux mesures de rétorsion engagées contre la Russie. La cause, au-delà du rôle de trouble-fête «illibéral» que joue le Premier ministre Orbán en Europe, est économique: Budapest a tissé de solides liens commerciaux avec Moscou et la Chine, ce que l'UE voit d'un très mauvais œil. Pour le média d’investigation VSquare, le journaliste hongrois Szabolcs Panyi explique que désormais le vent tourne, «sous pression occidentale».
Le gouvernement Orbán, au pouvoir depuis 13 ans en Hongrie, prend soin d’entretenir dans ses amitiés un mouvement de balancier entre l’Est et l’Ouest – ménage la chèvre et le chou autant que faire se peut. Ces derniers temps, il semble que l’Ouest l’emporte.
«Scoop piquant» de Szabolcs Panyi et ses confrères de VSquare: le gouvernement tente d’acquérir la société Budapest Airport, qui possède l’aéroport Liszt-Ferenc de la capitale, pour un montant de 4 milliards de dollars. Où aurait-il trouvé cet argent? Selon une source, le Premier ministre aurait envisagé de s’associer avec des partenaires commerciaux chinois et qataris. Un projet que la «pression occidentale» – selon cette même source, qui n’en dira pas davantage – l’a forcé à abandonner.
A la place, c’est avec la société française Vinci, déjà exploitante de 65 aéroports sur quatre continents, que l’Etat hongrois fera affaire. «Ce qui est intéressant dans ce partenariat, c'est que Vinci sera un actionnaire minoritaire, mais qu'il apportera un financement supérieur à sa participation, ce qui signifie qu'il paiera l'essentiel du prix. Selon notre source, Vinci deviendra non seulement l'opérateur de l'aéroport de Budapest, mais obtiendra également des droits de gestion, dans l'état actuel des négociations. (Vinci Airports n'a pas répondu à notre demande de commentaire).»
Fait amusant: Vinci exploite et détient à 100% l’aéroport Nikola-Tesla de Belgrade depuis 2018 et est régulièrement mis en cause pour sa mauvaise gestion financière et des ressources humaines, pour les retards considérables dont sont victimes les voyageurs et le manque criant de personnel. Mais un partenaire commercial tricolore est bien plus présentable aux yeux de l’Union européenne, dont Budapest dépend des subsides.
Autre sujet de tensions depuis février 2022, la centrale nucléaire de Paks, dans le centre du pays.
La société russe Rosatom devait se charger de la construction de deux réacteurs supplémentaires, Paks2, à l’horizon 2023, tandis que l’Américain General Electrics (GE) annonçait fournir le matériel, en particulier des turbines. Or General Electrics se retire du projet, révèle VSquare. L’entreprise a, en outre, vendu l’une de ses filiales spécialisée dans l’équipement des centrales à un autre fleuron du nucléaire, le Français EDF... «L'une des conséquences les plus importantes de la sortie de GE pourrait être que la possibilité de sanctions américaines visant le projet russe est désormais plus grande.»
Car la présence de Rosatom sur le territoire de l’UE demeure un problème, Paks étant la dernière centrale européenne opérée par l’entreprise russe.
La semaine dernière, la revue spécialisée Nuclear Engineering International allait plus loin, en annonçant que le gouvernement hongrois pourrait en fait se passer aussi de combustible russe pour faire fonctionner la centrale de Paks. «Le Premier ministre a déclaré son intention d'atteindre "l'autosuffisance énergétique, ce qui inclura l'exploitation de la centrale de Paks avec du combustible français au lieu du combustible russe". Actuellement, les pays d'Europe de l'Est dotés de centrales nucléaires soviétiques subissent de fortes pressions de la part de l'Union européenne pour qu'ils se détournent du combustible nucléaire russe.»
Enfin, VSquare rappelle que le projet chinois des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initiative) est au point mort en Europe, après le retrait de l’Italie. Parmi les membres de l’UE, seule la Hongrie demeure intégrée à l’initiative, en l’occurence dans la construction de la ligne ferroviaire Belgrade-Budapest. «Selon une source hongroise au fait des détails du projet, le gouvernement allemand a exercé de fortes pressions diplomatiques sur la Hongrie pour s'assurer que les parties les plus sensibles du projet – l'équipement de signalisation ferroviaire et surtout le système de contrôle automatique des trains – ne soient pas construites en utilisant la technologie chinoise.» Cela pour des raisons bureaucratiques, l’UE s’efforçant de mettre en place un système ferroviaire unifié, mais surtout de sécurité intérieure: il n’est pas question que la Chine s’immisce dans le contrôle des trains en Europe, selon Berlin. Pour remplacer l’opérateur chinois, l’Allemagne cherchait à imposer Siemens, le gouvernement hongrois lui préfère finalement le Tchèque AŽD Praha.
Comme dans les deux cas précédemment évoqués, Budapest ne peut invoquer la seule souveraineté pour balayer les pressions et les demandes de Bruxelles. La ligne Belgrade-Budapest devra en effet obtenir une licence européenne pour fonctionner. Si le gouvernement Orbán continue de faire cavalier seul en matière de diplomatie, si le Premier ministre fait mine de se moquer des sanctions dont Bruxelles le menace de façon récurrente, on voit que l’UE conserve tous ses leviers pour dicter à Budapest avec qui travailler et avec qui rompre.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@simone 23.09.2023 | 08h42
«Est-ce que les États membres de l'ex-URSS étaient libres de choisir avec qui travailler et avec qui rompre? Il n'y a vraiment rien de nouveau sous le soleil.»