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A vif

A vif / Du sexe, oui, mais sans sexologue, par pitié!


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Temps présent rediffusait hier soir un reportage consacré à la conquête du plaisir sexuel par les femmes. Un reportage composé de témoignages magnifiques, libres, sans tabous, malheureusement contrebalancés par les propos normatifs d’une sexologue.



«Cap sur le plaisir», proposait hier soir le magazine Temps Présent sur RTS1, avec la rediffusion d’une émission du 30 juin 2016. Un très beau sujet, où des femmes parlent librement de leur sexualité et de leur recherche du plaisir, de la manière dont elles ont conquis le droit d’en avoir, avec des hommes, des femmes ou seule.

Amandine explique qu’elle a une sexualité épanouie, qu’elle ne fait aujourd’hui plus semblant de jouir «pour être tranquille». Laura, elle, revendique le plaisir comme «une attitude, une manière d’être au monde» et, expliquant la fin de son mariage, affirme «on ne peut pas se contenter d’une sexualité de 21h à 21h30». Il y a aussi Marie-Pierre, dont la mère n’a eu qu’un seul orgasme de toute sa vie, et qui, elle, utilise sans complexe un vibromasseur, prend son plaisir.

Pornographie féministe

Marc Wolfensberger, l’auteur du reportage, nous emmène ensuite chez Lucie Blush, à Berlin. Lucie est une réalisatrice de films pornographiques, de porno féministe (son site). Il lui arrive également de jouer dans ses films, ce qui ne l’empêche pas de vivre en couple: «L’amour libre est la seule façon pour moi d’envisager l’amour», témoigne-t-elle. Brisant ensuite tous les clichés, elle dit comment la pornographie a été pour elle une manière d’accepter son corps. «La première fois que je me suis déshabillée devant la caméra, j’étais nerveuse. Je me suis dit que tout le monde allait voir mes bourrelets, mes petits poils, mes cicatrices… Mais je ne voulais pas mentir, ça m’a permis de m’émanciper. Personne n’a le droit de me dire ce que je dois faire ou pas, personne…»

Les normes de la sexologue

Une très belle émission, sauf que… Sans doute par un réflexe conditionné, la RTS a inclus une sexologue dans le reportage. Comme si le plaisir des femmes expliqué par des femmes n’était pas suffisamment sérieux sans la présence de «l’autorité scientifique». Comme si la liberté de parole était trop dangereuse, pas assez convenable et qu’il fallait la contrôler.

Alors que les femmes du reportage s’expriment sans tabou, hors conventions morales ou sociales, la sexologue, elle, a tenté de recadrer tout ça. De manière assez caricaturale lorsque, présentant des vibromasseurs à des pharmaciens, elle décrit ainsi celui qu’elle tient entre les mains: «Il n’y a rien de pornographique, si ce n’est que c’est l’image d’un pénis. C’est un diamètre normal, petit. Un produit intéressant pour nous, sexologues». Oui, les sexologues aiment ce qui est normal. 

Elle s’est ensuite réjouie que les sextoys soient vendus en pharmacie: «Aller chercher un sextoy dans les quartiers chauds, dans les sex-shops, je trouve que ça a un côté presque dégradant. Aller à la pharmacie, ça veut dire que les femmes ont l’autorisation, c’est comme une prescription…»

Afficher son plaisir en toute liberté

Alors que les femmes du reportage ne cessent de répéter qu’elles n’ont besoin d’aucune autorisation pour jouir, pour vivre leur sexualité, voilà comment la sexologue de service veut leur reprendre cette liberté, leur prescrire leur jouissance, leur délivrer leur plaisir sur ordonnance.

Comme pour lui répondre, à la fin du reportage Laura accroche à son mur un portrait d’elle en train de jouir. Elle n’a besoin de personne pour connaître son propre plaisir, pour le reconnaître, le vivre et l’afficher; surtout pas d’une sexologue.


Le reportage sera rediffusé lundi 31 juillet 2017 à 15h15 sur RTS Deux. Le voir sur le site de la RTS

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