Culture / Chercheurs d’or et chercheuse de mémoire
«La mémoire délavée», Natacha Appanah, Editions Mercure de France, 160 pages.
En 1872, les ancêtres de Natacha Appanah quittent leur village des Indes britanniques pour l’île Maurice. L’océan, dans la tradition, est appelé «l’eau noire», il est source de craintes et de superstitions. Pourtant, ils partent. On raconte qu'à l'île Maurice, l'or pousse sous les rochers. Une fois arrivés, ils sont affublés de numéros: «Mon trisaïeul porte le numéro 358444». Les travailleurs engagés, les «coolies», sont appelés en renfort dans les plantations de l’île pour remplacer les esclaves noirs récemment affranchis. Leurs conditions de vie et de travail sont en fait assez proches de celles du servage. Les traditions cependant s’y maintiennent et s’y mélangent. Les langues se mêlent, la Vierge rencontre Vishnou. La romancière connait par cœur cette suite de chiffres, témoins de l’histoire de sa famille. La mémoire pourtant s’en va, elle voudrait la saisir. Un vol d’étourneaux ouvre ce roman intime et de voyage. Que dessinent les oiseaux? Que murmurent-ils? Et que murmurent nos ancêtres disparus? Elle raconte ses grands-parents, portrait «à la fois doux et ancien, fragile et résistant». Elle parle de mémoire «délavée», car elle-même a eu de la peine à la regarder en face, à ne pas la lisser, la rendre plus brillante qu’elle n’était. Dans cette grande «transhumance» mondiale qu’est l’histoire du monde, les romans des souvenirs sèment des cailloux et tissent des toiles.
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