Analyse / Attention: virage dangereux!
On y est déjà engagés. Sans savoir jusqu’où il changera le cap. Une chose est sûre: il n’y aura pas de retour en arrière, au temps d’avant. La question n’est pas de savoir quand les ordonnances sanitaires seront levées. Il s’agit de s’interroger sur les dégâts causés par cette période de fièvre sur la démocratie, sur les notions de liberté et de débat. Le changement est d’autant plus profond qu’il est aussi provoqué par d’autres tensions, par des groupes qui ne cessent de hausser le ton, autour du féminisme, du genre, du climat, du racisme, du passé colonial… Le tournant conduit, ici comme ailleurs, vers toutes les crispations. Et vers un changement durable de la vie politique.
Sans entrer en matière sur la pertinence ou pas des mesures décrétées par les gouvernements face à la situation sanitaire − chacun a son opinion − comment ne pas voir la portée de l’incroyable atteinte à nos libertés personnelles et collectives? L’Etat qui détermine combien de personnes peuvent prendre place à la table, qui nous prive de culture, qui envoie des polices anti-émeutes contre des manifestants pacifiques, qui bannit ceux-ci de telle ou telle ville pour plusieurs jours… Et à cause de la peur exacerbée par l’obsession médiatique sur le virus, la grande majorité de la population accepte les ukases.
Les gouvernants eux-mêmes ont du être stupéfaits de tant de docilité. Ils s’en souviendront demain. Quand l’épidémie aura passé comme toutes les autres. Et ils seront forcément tentés de retrouver leurs accents martiaux sur d’autres sujets. Le mot «urgence» ne disparaîtra pas de si tôt du vocabulaire politique. Il résonne déjà dans les discours sur le climat. Il amènera plus d’interdictions que de solutions concrètes.
Le débat se restreint
Quelle tentation pour les pouvoirs petits et grands! Tous se disent ouverts au débat. Mais en fait, celui-ci, sur tant de sujets, se restreint. Il est devenu si facile de taxer ses opposants de «complotistes», de propagateurs de «fake news». Dans les médias aussi on prône ici et là la nécessité d’ignorer toute provocation, de préférer «la parole légitime»… dont la légitimité sera déterminée par les garants de la bien-pensance. Le cas de La Liberté est parlant: le quotidien fribourgeois s’est excusé d’avoir publié − par «erreur»! − une lettre de lecteur un peu leste qui disait le charme, au printemps, des jeunes filles en fleurs légèrement habillées. Des voix excitées − par centaines − y virent une atteinte à la dignité de la femme sinon une incitation au viol… Des furies ont même endommagé deux voitures du journal.
Il y a plus préoccupant encore. Hier, prétendre que les rassemblements à l’extérieur ne sont nullement dangereux, c’était bafouer l’autorité, une opinion à bannir. Et soudain, sans s’excuser, la vice-présidente de la trop fameuse Task force affirme qu’en effet le virus ne se transmet pratiquement pas en plein air. Il s’agit de suivre sans broncher les zigzags des porteurs de la vérité officielle.
Mais tentons de voir au-delà des péripéties quotidiennes. L’idée-même de liberté dans la démocratie a toujours évolué au fil du temps. Elle n’a jamais été absolue. Afin de garantir le fonctionnement de la vie en société, le cadre juridique et politique lui pose des limites. Selon des principes fondamentaux? Certes, mais aussi selon les humeurs de l’époque. Dans maints pays, c’est l’ambition totalitaire des chefs qui pose les règles du jeu. Mais il arrive aussi que montent des profondeurs populaires un désir, le plus souvent inconscient, de «reprise en mains», de normes plus strictes. Après tout, la liberté de croyance, de comportement ou d’opinion, c’est fatiguant. Il faut trouver la sienne, la confronter à celle des autres, se découvrir des contradictions propres… Il est tellement plus confortable de se conformer à un cadre déterminé, où tout est dit sur ce qui est bien ou mal, sur la façon de se nourrir et de s’habiller… Les religions ont assumé et assument encore ce rôle. Mais beaucoup d’entre elles s’essoufflent. Toutes sortes de pouvoirs prennent le relais.
Ceux qui tirent les ficelles
Est-ce à dire que la tentation de la dictature rôde dans nos capitales? Pas si simple. A la faveur de la crise les gouvernants peuvent se sentir tout puissants mais les plus éclairés perçoivent qu’ils sont aussi des nains sur l’échiquier. Car des forces qui les dépassent submergent le jeu. Les gardiens du convenable, prêts à censurer ceci ou cela, sur Facebook, Twitter, Instagram, siègent aux Etats-Unis. Les lobbies de la pharma, des géants traditionnels aux nouveaux venus, tirent des ficelles à peu près partout dans le monde. Dernier exemple en date sous notre nez − c’est le cas de dire!: l’achat par la Confédération, pour une somme astronomique mais tenue secrète, des «autotests» à pratiquer chez soi. Maints spécialistes, notamment à l’Université de Lausanne, dénoncent son inefficacité. Disons carrément foireux. Un tiers seulement des cas positifs sont détectés. Sans compter que bien des renifleurs renoncent à cet usage après s’être enfoncé une première fois, plus ou moins correctement, la baguette dans le pif. Mais Roche fait une belle affaire. Qui donc a soufflé à Alain Berset que c’était une idée géniale?
On s’habitue donc à tout. Sans jamais demander de comptes. Les piteux tests pour le grand public passeront vite à la trappe. Comme l’application Swisscovid si bruyamment recommandée hier, aujourd’hui abandonnée de fait. L’accoutumance au rocambolesque n’est qu’une face de la docilité générale. Mais révélatrice de ce qu’il faut bien appeler la tétanisation de la société. Etonnamment couplée à l’exacerbation des discours minoritaires.
Allez savoir où va nous planter le virage en cours! Dans un décor peu réjouissant, c’est sûr.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
10 Commentaires
@Eve01lyne 16.04.2021 | 11h14
«Les auto-tests...ahahah...Me suis curé le nez parce que j'avais des symptômes légers. Question de savoir si j'allais pouvoir me balader avec ma vieille maman. En attendant le résultat, me suis occupée à lire un peu plus attentivement les papiers qui accompagnent les-dits tests. Dans le chapitre évaluation clinique, il est noté que 87% des gens infectés et testés auparavant par un test PCR positif étaient positifs avec l'auto-test. Bien.
L'auto-test a également évalué que 100% de gens non-infectés, bien que symptômatiques, étaient négatifs. Bien aussi.
Sauf que, sur les recommandations d'usages faites par la Confédération et transmises par les pharmacies, il est noté que l'aut-test ne convient qu'aux personnes asymptômatiques.
"Il n'est pas indiqué chez les personnes ayant des symptômes de la maladie.
Pas d'auto-test avant une visite auprès d'une personne vulnérable ou dans un établissement de santé.
Pas d'auto-test répété pour les dépistages répétés dans les établissements scolaires, entreprises et institiutions."(Sic)
Ah ben zut ! Mais il sert à quoi alors ?
A se tester une fois par semaine quand on n'a pas symptôme ?
Le labo a fait une sacrée belle affaire.»
@Logonaute 16.04.2021 | 12h46
«Analyse pertinente comme à l'accoutumée. La prochaine étape de la résistance démocratique à l'absurde sera la journée de votations du 13 juin. Les forces seront inégales, c'est pourquoi il faudra un engagement de tous les instants afin de convaincre une population terrorisée - et sur laquelle le CF exerce un chantage financier - de la nécessité d'abolir la Loi Covid-19.»
@PB41 16.04.2021 | 13h53
«Merci Monsieur Pilet de cette analyse comme toujours sans complaisance. Je ne peux qu’abonder à toutes vos remarques. Mais je conserve précieusement votre dernière constatation: « on s’habitue donc à tout. Sans jamais demander des comptes. »
C’est pour moi la situation la plus inquiétante et qui fait craindre la fin de notre démocratie directe dont on est si fiers.»
@Richard Golay 16.04.2021 | 18h34
«Nos autorités et les élites économiques cautionnent une politique de la peur. Nous verrons la suite le 13 juin.»
@Philippe37 16.04.2021 | 22h41
«Oui, c’est le problème...on ne demande pas de compte ou peut-être cette fois si, car les mensonges sont trop énormes et les dangers trop grands pour l’intégrité de nos vies ,la Vie... on a les politiciens que l’on mérite ( même si n’a vraiment pas élu les 7 sous la chape). Et le mérite de cette infamie pourrait être de nous faire prendre la responsabilité de nos vies, trop et trop longtemps déléguées. On est actuellement en mode survie...»
@bouc 17.04.2021 | 02h28
«Il manque l'analyse de la question essentielle, à mes yeux: comment apprendre à "vivre ensemble dans l'incertain"?
Luc Recordon»
@Pipo 18.04.2021 | 14h21
«Encore une excellente analyse.
Continuez dans cette voie.Tôt ou tard on peut espérer que cela potrtera ses fruits!
P.Flouck
»
@Eggi 18.04.2021 | 16h48
«"Sans savoir jusqu’où il (le virage?) changera le cap." Le début de l'"analyse" de Jacques Pilet est emblématique de la confusion qui y règne: affirmations loufoques (ce n'est pas la première fois) dont celle de l'intention des gouvernants (Conseil fédéral compris) de profiter de la pandémie pour instituer la dictature, mélange de problématique qui n'ont rien à voir entre elles (affaire de la lettre de lecteur de "La Liberté") ou défense des liberté sans évoquer les limites entraînées par leur confrontation. Entièrement d'accord avec Luc Recordon sur l'absence de la question essentielle de notre société dans un monde d'incertitudes. Silence aussi sur la cause première de l'extension de la pandémie: défaut de sens des responsabilités d'une grande majorité de la population...»
@MCR 19.04.2021 | 00h42
«Concernant l'auto-test: la pharmacienne qui vous le fourgue avec la dernière vigueur même si vous êtes là pour acheter tout autre chose ("c'est gratuit!! - Vous en voulez aussi pour votre mari"? ) le facture 60 francs à votre assurance, et on ne peut guère imaginer que les fabricants l'offrent gracieusement. Il semble effectivement ne servir à rien - sauf évidemment, à arrondir les comptes bancaires des producteurs de ces machins. Conversation entre la cliente âgée et la pharmacienne: "Mais si je suis positive, je dois faire quoi?" - "Vous devez vous faire tester Madame"- "Mais pourquoi je dois me faire tester encore une fois"? "C'est pour être sûrs" "Alors ils ne sont pas sûrs?" "C'est pour être sûr!"
Dans le même genre de délire, une collègue vaccinée, testée négative, dont le mari télétravailleur par Dieu sait quel miracle a attrapé un Covid un peu fiévreux, a été mise en quarantaine - merci pour notre employeur - mais pourra retourner au travail dans 5 jours si elle a encore un test négatif - même si son mari a toujours autant le Covid - à ce qu'on sache cela ne part pas en 5 jours.
Et bien sûr, c'est très surprenant que la population se pose des questions sur la rationalité des décisions prises d'en haut. »
@Pari 19.04.2021 | 22h25
«Merci pour ce nouveau billet. Sur le rapport à l’incertitude, je partage la proposition d’Edgar Morin http://www.ledireetlecrire.com/1/upload/ledireetlecrire_297.pdf »