Actuel / Trous d’air géopolitiques dans le ciel africain
Les tensions entre la France et plusieurs pays sahéliens se répercutent dans le ciel: les avions d’Air France n’atterrissent plus sur les aéroports de Bamako, Ouagadougou ou Niamey. Ce qui représente une perte colossale pour la compagnie française et attise les appétits de la concurrence.
Sur les tableaux lumineux indiquant les départs et les arrivées à l’aéroport de Ouagadougou, les vols Air France ont disparu des radars. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, la compagnie française reliait encore 5 fois par semaine la France et le Burkina Faso. Mais ça, c’était avant que les relations ne se détériorent entre les deux pays, ainsi qu’avec le Mali et le Niger, des tensions qui rebondissent jusque dans le ciel. Depuis le mois d’août, la compagnie française ne peut plus atterrir dans une bonne partie du Sahel. Les voyageurs, du coup, se reportent vers d’autres compagnies; par exemple sur Brussels Airlines, dont le vol Bruxelles-Abidjan se vide à l’«escale technique» de Ouagadougou; ou sur les vols beaucoup plus longs proposés par Turkish Airlines ou Ethiopian Airlines.
Pour Air France, principale compagnée aérienne entre l’Europe et l’Afrique, le manque à gagner est colossal. Aussi sa direction poursuit-elle sans relâche ses négocations avec les autorités de chacun de ces pays afin de parvenir à un accord pour une reprise des vols. C’est ainsi qu’après plus de deux mois de suspension, la compagnie française avait annoncé que les vols Paris-Bamako allaient reprendre dès le 13 octobre, précisant même que ceux-ci seraient effectués par des appareils spécialement affrêtés auprès de la compagnie portugaise EuroAtlantic Airways. Las. Les autorités maliennes ont rapidement démenti toute reprise des vols quotidiens entre le Mali et la France, pays où vit une importante diaspora malienne. Après Abidjan et Dakar, Bamako représente même la troisième destination d’Air France en Afrique subsaharienne, avec par exemple, quelque 10’000 sièges attribués sur cette ligne pour le seul mois d’août 2022.
Si une reprise des vols d’Air France au Niger, après le coup d’Etat du mois de juillet dernier, n’est pas d’actualité pour l’instant, la décision de Niamey d’interdire son espace aérien a créé un véritable chaos dans le ciel pour l’ensemble des compagnies aériennes desservant le continent africain. Avec à la clé une sensible augmentation de la durée des trajets et de la consommation de carburant par leurs appareils. Un «déroutage» forcé qui s’ajoute à d’autres bandes d’espace aérien qualifiées de dangereuses, notamment au-dessus de la Libye et du Soudan, avec des détours pouvant aller jusqu’à 1’000 km.
Une compagnie nationale malienne en partenariat avec la Russie?
Les intérêts de la compagnie nationale française n’ont en tout cas pas été aidés par la décision du ministère français des Affaires étrangères de placer le Mali, le Burkina Faso et le Niger en «vigilance rouge», soit en «zone formellement déconseillée» aux ressortissant français. Y compris les capitales qui avaient jusque là été épargnées par cette opprobre. C’est ce classement très problématique pour les pays qui en font l’objet que le Burkina demande à Paris de reconsidérer avant d’autoriser Air France à reprendre ses vols sur Ouagadougou.
L’absence prolongée d’Air France sur des destinations où la demande est très forte aiguise les appétits de la concurrence. Lors de son retour du Sommet Russie-Afrique, le chef de la junte malienne avait évoqué un projet de création d’une compagnie nationale en partenariat avec la Russie, qui pour l’heure, ne s’est pas encore concrétisé. Mais d’autres compagnies demeurent dans la course pour prendre le relais, et le ciel africain pourrait encore réserver bien des surprises au cours de ces prochains mois.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@hermes 12.11.2023 | 17h39
«Nul doute que Wagner sait défendre les putschistes et leurs clans ainsi que les installations minières qu'ils utilisent pour piller les richesses locales et s'enrichir. Wagner est nettement moins performant pour empêcher les djihadistes d'attaquer les peuples sahéliens et les désorganiser: laissons donc le temps au temps pour les dégriser et pour reprendre un comportement rationnel envers l'occident. Et, dans l'intervalle, laissons aux putschistes maliens et leurs suppôts russes le soin de lancer une compagnie nationale dont les avions ne seront jamais autorisés à poser les trains d'atterrissage sur sol européen!»
@stef 03.12.2023 | 23h07
«L'Europe comprendra-t-elle enfin que le colonialisme est terminé et que l'Afrique souhaite choisir seule ses partenariats (Chine, Russie, etc.)»