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Culture / L'art du braquage


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«Vjeran Tomic: L’homme-araignée de Paris», Jamie Roberts, sur Netflix, 86 minutes.



En 2010, il a cambriolé le Musée d’Art Moderne (MAM) de Paris. Un braquage spectaculaire qui s’inscrit dans la grande et romanesque tradition des voleurs d’œuvres d’art, qui malgré nous nous font rêver, à l’image des voleurs de la Joconde. Vjeran Tomic a réalisé là le plus grand vol de tableaux de l’histoire de France. En 17 minutes, cinq chefs-d’œuvre (Picasso, Braque, Modigliani, Léger), estimés à plus de cent millions d’euros, se volatilisent. Le cambrioleur raconte lui-même, dans ce film documentaire, comment il s’est introduit dans le bâtiment. Beau joueur mis devant le fait accompli, le MAM a accepté le tournage d’une reconstitution sur les lieux du cambriolage, et Tomic montre donc au spectateur en conditions «réelles» toute l’ampleur de son art. Etrange, inquiétant et fascinant, cet homme-araignée, aux allures pataudes mais aux doigts de fée et à la démarche féline. Capable de s’introduire n’importe où et de voler à sa guise, sans un souffle ni un bruit, sans jamais réveiller les propriétaires endormis. Etrange aussi son détachement absolu de toute question morale. Il parle de ses délits comme d’un travail manuel quelconque, et jamais ne songe aux victimes, à ce «viol» de leur intimité qu’elles disent toutes ressentir, jamais non plus au préjudice financier (celui-ci est souvent couvert par les assurances, de toute façon), et affectif que cause la disparition de son butin. En somme, Vjeran Tomic est cambrioleur comme d’autres sont comptables ou électriciens. Il fait si bien son travail que les œuvres dérobés au MAM n’ont jamais été retrouvées. Tomic prétend qu’elles ont été détruites, il y a fort à parier que les toiles se trouvent en sécurité quelque part, et qu’elles referont surface, aussi subitement qu’elles se sont envolées. Le préjudice, ici, est aussi esthétique que le rapt. 

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