Média indocile – nouvelle formule

Lu ailleurs

Lu ailleurs / Pour Facebook, les médias journalistiques sont inutiles


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La loi du profit et des algorithmes a tranché: la fonctionnalité «Facebook News» qui permettait d’accéder à de grands médias nationaux et internationaux via le réseau social a fait long feu. Alors que l’effet «bulle de filtre» est de plus en plus dénoncé par les spécialistes et que l’information est un enjeu démocratique pour les années à venir, les géants d’internet, eux, s’en désintéressent. Le site L'ADN spécialisé en culture et économie numériques fait le point, chiffres à l'appui.



Vous ne l’avez sans doute pas remarqué: en décembre dernier, l’onglet «Facebook News», qui donnait accès à des articles et médias journalistiques, a disparu du réseau social en Europe. Sa disparition est également programmée pour ce printemps aux Etats-Unis et en Australie. Le nombre de visites de cette rubrique aurait diminué de 80% ces derniers mois, reconnait Facebook, et les informations ne représenteraient que 3% des contenus consultés par les utilisateurs. «Les gens ne viennent pas sur Facebook pour obtenir des informations», résume la firme avec une pointe de cynisme. Inutile, donc, de conserver cette fonctionnalité.

Pour comprendre ce revirement, il faut revenir quelques années en arrière. A la suite des scandales de désinformation qui avaient entaché la réputation de Facebook en 2016, Mark Zuckerberg avait nommé Campbell Brown, une ancienne de CNN, à la tête de Facebook News. La journaliste était chargée de remettre de l’ordre, et de faire en sorte que le réseau social soit le relais d’informations crédibles (c’est à dire produites et vérifiées par des journalistes professionnels), en nouant des partenariats avec de grands médias. Campbell Brown a démissionné à la fin de l’année dernière et les contrats qui liaient Facebook aux médias devraient être honorés en pure perte. En Australie, 160 millions de dollars avaient été investis dans le projet.

L’enjeu financier a rapidement pris le pas, relevait déjà L’ADN en octobre dernier, et la fin de Facebook News ne constituera pas une grande perte. Facebook en effet n’appréciait pas que ses utilisateurs quittent le réseau pour accéder aux articles et reportages, autant de revenus publicitaires qui s'envolaient vers d'autres cieux. Depuis l’année dernière, les algorithmes défavorisent donc grandement les posts des grands médias, aussi bien américains qu’européens. Business Insider, Buzzfeed ou encore le New York Times ont ainsi vu leur audience baisser de 66 à 80% sur le réseau social. Les algorithmes ayant horreur du vide, ce sont désormais des tabloïds, des journaux indiens ou philippins et, en première place, un site spécialisé sur la Bible qui captent tout l’engagement. Cité par L’ADN, un journaliste américain du site Digiday résumait: «Meta a finalement arrêté de prétendre qu’il en avait quelque chose à faire que ses utilisateurs soient informés sur le monde qui les entoure.»

Dans sa bataille contre les médias pour capter et capturer l’attention des internautes, Facebook avait déjà remporté une bataille décisive. Au Canada, après le vote d’une loi qui obligeait les réseaux sociaux à négocier des compensations pour les journaux diffusés sur Facebook News, Meta, la maison-mère du réseau, avait annoncé le blocage de l’ensemble des médias du pays. Cette décision n’avait suscité aucune réaction de la part des internautes. Facebook peut donc considérer que les médias sont inutiles et à son fonctionnement lucratif, et à ses utilisateurs.

L’ADN a également relevé un frémissement de révolution chez Google. A la fin du mois dernier, l’onglet «actualités» a brièvement été retiré du moteur de recherche. Certains internautes s’en sont émus, et les médias proposant du contenu en ligne se sont inquiétés de voir leurs productions invisibilisées par Google, si ce n’est noyées parmi d’autres articles générés plus rapidement et en plus grande quantité par l’IA. Google affirme que contrairement à Facebook, il n’a pas l’intention de se passer de cette fonctionnalité. Les internautes auraient-ils finalement besoin d’un accès à l’information?


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