Média indocile – nouvelle formule

Actuel

Actuel / La défense suisse patauge dans les comptes et ignore un péril immédiat


PARTAGER

La cheffe du Département, Viola Amherd, et son «général» Süssli n’en finissent pas de s’expliquer, dans la confusion, sur les difficultés budgétaires, tout en demandant une pluie de milliards supplémentaires. En revanche ces responsables de la sécurité se fichent d’un danger bien réel et actuel: les hackers qui pillent leurs données et seraient en mesure de paralyser maints secteurs d’activité. Ce qui n’inquiète pas le moins du monde les parlementaires.



On croit comprendre que Viola Amherd signe à tour de bras des contrats d’armements, au-delà des crédits accordés par le Parlement, pourtant en forte augmentation depuis deux ans. Sans même en informer le Conseil fédéral. Et la boulimie n’est pas près de s’arrêter. Il est prévu un fort accroissement du budget dans les années qui viennent. Au moment même où la Confédération s’apprête à de sévères économies dans le domaine du social, de l’éducation et des structures ferroviaires.

Politique qu’applaudit la majorité de droite. Tracée par une Viola Amherd qui courtise l’OTAN et suit ses consignes. La malheureuse, pressée d’éclairer la pagaille comptable par les parlementaires, ne pourra pas se rendre à la Conférence de Munich, une messe de plus des atlantistes au discours connu: il faut s’armer et s’armer toujours plus «en raison de la guerre en Ukraine». Comme si l’armée russe qui, malgré quelques succès limités, peine à garder ses positions, à une centaine de kilomètres de sa frontière, était en mesure de déborder en Europe occidentale. Poutine déclare clairement que cela n’entre nullement dans ses intentions. Et l’on a toutes raisons de le croire au vu de l’état de la Russie. Celle-ci a certes bien résisté aux effets des sanctions occidentales mais elle est au maximum de son effort de guerre, elle peine à renouveler ses effectifs, sa natalité est en berne et sa population attend avant tout une amélioration de ses conditions de vie. Imaginer à l’avenir un déferlement à travers les pays de l’OTAN jusqu’à nos frontières est proprement délirant. Poutine est ce qu’il est mais sûrement pas suicidaire. Jusqu’à quand va-t-on suivre le discours alarmiste et ruineux qui sert avant tout à l’Eldorado du lobby américain de l’armement?

Le Département a un autre souci. Les drones destinés à la surveillance aérienne des frontières, commandés en 2015 à l’entreprise israélienne Elbit, ont connu tous les pépins possibles. Deux seulement ont été livrés et ne sont pas encore en état de fonctionner. Les quatre autres ne seront livrés, au mieux, qu’en 2026. Ils coûtent environ 300 millions chacun. Une enquête de la Weltwoche nous apprend que la proximité avec l’entreprise israélienne du Département de la défense et de Ruag, qui lui est rattachée, va bien au-delà. Hier comme aujourd’hui, alors qu’Israël est engagé dans une guerre horrible. Ce qui d’ailleurs ne paraît pas troubler nos diplomates. Un projet commun – à 1,6 milliard de francs – est en cours pour reconstruire le système de communications de l’armée. Le président de Elbit Switzerland, Jakob Baumann, est l’homme-clé de cet étroit partenariat. Jusqu’en 2011 il était le chef de Armasuisse, responsable donc des achats militaires. Il est en charge maintenant des intérêts israéliens. A noter que cette société est aussi active dans les systèmes d’espionnage. Le conseiller aux Etats Carlo Sommaruga s’en est inquiété: «Cette firme pourrait avoir accès à des données sensibles de l’armée suisse.»

Ce genre de soucis ne trouble guère le gouvernement. On sait qu’il a confié le système de communication entre la police fédérale, les polices cantonales et municipales, à une petite entreprise d’Interlaken, Xplain (60 collaborateurs). Or Le Temps a révélé que celle-ci avait laissé fuiter une masse de données sensible sur le Dark net, victime de hackers très efficaces. Son directeur suggère aujourd’hui qu'«il y a peut-être eu une erreur dans un processus concernant la gestion des données, chez nous, qui n’aurait pas dû intervenir.» Ce qui n’empêche pas l’administration fédérale de lui garder toute sa confiance. Pas une voix ne s’est élevée au Parlement pour s’en étonner. Seul le canton de Vaud a rompu son contrat avec effet immédiat et recherche un autre partenaire. La Suisse ne manque pourtant pas de compétences et d’expériences dans ce domaine. De Kudelski Security à Infomaniak. Ces sociétés ne sont pas sollicitées. Elles ont le malheur d’être romandes, loin des petits copinages bernois.

On ne parle pas ici d’une bagatelle. Les hackers internationaux, mafieux ou gouvernementaux, sont en mesure non seulement de diffuser des données sensibles mais aussi de paralyser des secteurs entiers de l’activité du pays, dans l’approvisionnement énergétique, dans les transports, dans la sécurité publique. Pour ne pas parler du système bancaire. Des puissances qui ne nous veulent pas du bien, tentées de nous intimider, ont là tous les moyens d’agir dans l’ombre. La légèreté du gouvernement et du Parlement à cet égard est incompréhensible. Certes il se tient ces jours à Berne une conférence intitulée «Swiss Cyber Security Days», avec des représentants de l’armée, de l’OTAN et de l’Ecole polytechnique fédérale. Certes le Département de la Défense met en place, tardivement, un projet de nouvelle entité consacrée à la cybersécurité. Il faudra des années pour qu’il fonctionne et l’on ne sait pas encore quel sera au juste son champ d’action. Alors qu’en l’occurence les périls sont immédiats, infiniment plus pressants qu’une éventuelle et rocambolesque attaque de la Russie à nos portes.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@willoft 16.02.2024 | 09h35

«Nos parlementaires étant tous vieux, on a pas de peine à imaginer qu'une majorité n' jamais mis, même les pieds, sur un clavier.

Notre magnifique système de milice fait le reste.

Tout ça pour souligner encore une fois que le CF, s'arroge une augmentation !»


@RAS 16.02.2024 | 18h58

«La destruction de notre "Démocratie et Neutralité " est en route par le choix de participer à des manœuvres de l'OTAN sans même l'avis de la population. Un grand nettoyage est nécessaire dans les écuries d'Augias de notre système, tant au niveau des chambres fédérales qu'au Conseil fédéral. Il est temps que cesse la mainmise des lobbys de l'armement, des pharmas, et des assurances, qui pour rappel, à elle seules se sont partagées entre 1985 et 2000, 20 milliards de francs au détriment des assurés dans le cadre de la mise en place et la gestion de l'escroquerie de la LPP, le tout sans qu'aucun parti politique n'intervienne pour rétablir la situation. Seule une révolte populaire peut éventuellement changer les choses.»


@hum 19.02.2024 | 08h39

«"Des puissances qui ne nous veulent pas du bien, tentées de nous intimider, ont là tous les moyens d’agir dans l’ombre." A ma connaissance, ce n'est pas elles qui ont démoli (et récupéré) notre secret bancaire, fait payer pour les fonds en déshérence, et récemment menacé de s'attaquer à nos banques si nous ne reprenions pas toutes leurs sanctions. Sans parler du délire Woke. On obtempère d'ailleurs avec enthousiasme, alors qu'on devrait donc plutôt s'inquiéter des puissances qui nous veulent du bien.»


@von 11.03.2024 | 01h37

«Il faut bien reconnaître que notre gouvernement ne fait que des bêtises question cyber guerre. Comment expliquer autrement sa constance à vouloir acquérir des équipements contrôlés par des entreprises étrangères?

Les F35 par exemple, qui transmettent en temps réel, par radio, des paramètres de vol à son constructeur US.

Ou le système radio crypté qui équipe nos polices, dont le constructeur israélien pourrait très bien se réserver une porte d'accès (back door) vu qu'il ne nous donne pas accès à son code source (et pourtant, pour du matériel militaire, il me semble que ce serait légitime de l'exiger).

Idem pour les drones israéliens (300 millions la pièce). Imaginez qu'on puisse les retourner contre nous à distance! Pour du matériel de guerre, ce serait plutôt ballot!...

Même problématique avec le logiciel espion israélien Pegasus que notre service de renseignement utilise probablement, bien qu'il s'en défende.

Et pour terminer, que le Conseil Fédéral confie la mise en place d'un cloud fédéral à des entreprises US est une ânerie monumentale. Il oublie le Patriot Act des Américains qui oblige toutes les entreprises US sises au USA et ailleurs dans le monde à laisser une porte dérobée à la NSA afin qu'elle puisse accéder aux bases de données. Que ce cloud US soit en Suisse ou pas n'y changera rien, il sera transparent pour la NSA, National Security Agency, filiale de la CIA. Et dire qu'on y mettra toutes les données secrètes de la Confédération, armée et police comprises!

Nos élites livrent tout cela sur un plateau à des puissances étrangères. Et pourtant nous avons en Suisse des informaticiens sortis de nos hautes écoles et des entreprises spécialisées en sécurité informatique tout à fait capables de nous fournir ces équipements. Alors question: incompétence, corruption ou influence des lobbies? Franchement on peut légitimement se poser la question car cela commence à faire vraiment beaucoup...»


À lire aussi